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" Enfin, mon ami, tu as donc quitté Malaga ! "

Sur l'usage de la Doradille d'Espagne


La doradille (asplenium cétérach), ou scolopendre vraie des montagnes d'Andalousie, de Castille, d'Aragon, de Catalogne et de Valence, est employée, depuis longtemps, en médecine, comme pectorale, incisive et diurétique.


Ce sont les Arabes qui ont fait connaître ses propriétés, et qui lui ont donné le nom de cétérach. M. Morand, chirurgien major des invalides, publia plusieurs observations sur les vertus de la doradille dans les maladies des voies urinaires et dans les coliques néphrétiques. La confiance qu'inspirait cet habile praticien engagea les médecins à prescrire cette plante dans les mêmes affections, et bientôt les journaux furent remplis de cures faites par la doradille à Paris, à Verdun, à Grenoble, etc. On cita surtout la guérison complète de M. le comte d'Auteuil, chef d'escadre des armées navales d'Espagne, qui, depuis plusieurs années, avait la gravelle, et était au moment de se faire opérer.


Malgré des succès multipliés et si bien constatés, la doradille qui, sans doute, ne guérit pas toutes les maladies de vessie et qui n'a pas la propriété de dissoudre les calculs, fut négligée par les médecins et presque abandonnée ; cependant elle mérite l'attention des chimistes et des praticiens.


Nous pouvons attester les faits suivans :

...


Il existe en ce moment, à l'hospice des vieillards de Paris, dans la salle Saint-Pierre, un nommé Monchablon, âgé de 68 ans, qui souffrait depuis six ans d'un catarrhe de vessie. Les remèdes qu'on lui prescrivait à l'hospice calmaient faiblement ses douleurs, et ses urines déposaient un peu de sable (urate de chaux) avec une assez grande quantité de mucosités. II maigrissait et dépérissait, lorsqu'un de ses amis l'engagea à boire une infusion de doradille.


Il en demanda à l'hospice, mais on ne crut pas devoir lui en donner. Il sortit et s'adressa à nous, en nous disant que son ami avait été guéri de la gravelle par cette plante, et que si nous lui en donnions, il était persuadé que nous lui sauverions la vie. Nous en remîmes une certaine quantité à ce vieillard, en le priant de nous faire connaître les effets qu'il en éprouverait. Deux mois après, il est revenu nous dire, avec les expressions de la plus vive reconnaissance, qu'il avait rendu considé-rablement de gravier, que ses urines ne déposaient plus, qu'il n'éprouvait aucune douleur, et qu'il se croyait entièrement guéri. Il prenait matin et soir deux verres d'une infusion faite avec une once de doradille dans une pinte d'eau bouillante.

C. L. C. '


Journal de pharmacie et des sciences accessoires - Janvier 1817


Paris ce 22 juillet 1817


Enfin, mon ami, tu as donc quitté Malaga ! Cette fournaise espagnole n'aurait pas dû te tenir si longtemps sans des circonstances qu'il faut bien croire que tu n'as pu maîtriser. Je voudrais d'autant plus te voir de retour qu'il serait possible que ta maison se trouvât dans l'embarras pour la besogne du dehors ; car entre nous, on offre à Albarède une place de 1 200 francs dans une fabrique de schals et il est comme de raison disposé à la prendre si rien ne s'oppose à ce que la proposition se réalise. Brûle quelques villes et reviens.


Ma santé se soutient, les yeux ne sont pas plus fatigués et depuis que j'ai pris un bandage ma hernie n'a pas reparu. Je t'ai parlé dans ma dernière lettre du médecin de Dumarais, il m'a dit que tu pourrais rendre à ce dernier le service de lui prendre une plante qui lui est nécessaire pour sa santé et qui se trouve sur les montagnes d'Espagne, tu pourras aisément en avoir. Cette plante se nomme "doradille" ou cétérach*, espèce de capillaire, très bonne pour les maladies de vessie. Si quelqu'un de tes négociants faisait des envois à La Rochelle, tu comprendrais trois ou quatre livres de cette plante dans la boite, en en donnant avis direct à " Mr Dumarais, Inspecteur de l'Enregistrement ". Si Bordeaux convenait mieux, tu pourrais adresser par cette voie à mon frère qui ferait prendre le paquet dans la maison indiquée. Il n'y a rien d'urgent, l'ayant pourvu par un envoi fait de Paris.


Ta maman est revenue d'hier avec la soeur et le frère. Ils sont arrivés à bon port, mais un peu fatigués, de sorte que la matinée se passera un peu au lit. Et par conséquent, qu'on n'aura guère de temps avant l'heure du courrier pour écrire au cher Prosper malgré que la bonne volonté ne manque pas.


Gravelle est toujours fort bien dans sa maison de librairie. On lui fait entrevoir la qualité de voyageur pour l'année prochaine. Cette qualité plaît en général aux jeunes gens. C'est aussi une raison déterminante pour engager Albarède à entrer dans la nouvelle maison qui lui est indiquée, où il espère pouvoir être employé dans cette qualité, tandis que les deux voyageurs existants dans la maison Loffet sembleraient le priver pour longtemps de cette perspective.

Je te laisse, mon cher Prosper, pour me jeter dans mes papiers d'administration dont la masse est toujours considérable, mais que jusqu'ici je suis parvenu à expédier de manière à éviter l'encombrement. Je t'embrasse bien tendrement.

(papa)


* Asplenium ceterach : illustration et voir ci-contre






















" Voilà encore la tête de ma pauvre mère qui trotte "


A 9 heures du matin


Attendu, mon pauvre ami, que je viens de me lever pour réparer la fatigue du voyage, tu auras peu de choses de ta mère aujourd'hui. Ce qui ne l'arrange pas, n'ayant déjà pas pu te mettre quelques lignes dans la dernière lettre de famille, ni pu trouver un moment commode pour m'en dédommager pendant mon séjour à Moret. Mais sois tranquille, la prochaine fois je t'enverrai un volume.


Je laisserai à Prudence à te faire la relation de notre fameux voyage, je me bornerai à te dire que la chère Adèle ayant trouvé dans l'excellent Mr Bergeron sa doublure, que nous avons accablés de soins*, de prévenances de tout genre ; que malgré tout cela les dix jours hors de chez moi m'ont paru longs, et que j'ai été bien heureuse en y rentrant. Tu sentiras tout le prix de se trouver au sein de ta famille à ton retour ! Pourquoi, mon cher enfant, ne pouvons-nous apercevoir cet heureux moment qu'à une époque encore trop éloignée pour le désir et le besoin de nos cœurs ! Abrège donc, puisque cela entre dans l'intérêt de ta maison.


Il paraît que Malaga est la fournaise espagnole, et la ville où va se nicher la peste. Tu juges si nous désirions t'en voir sortir. Tu as bien fait de te munir de provisions, fais toujours de même jusqu'aux frontières. Il faut mieux trop avoir que de manquer, surtout de quoi se rafraîchir. J'aime beaucoup l'usage de l'outre. Tu ne nous parle pas de compagnons de voyage, partirais-tu toujours seul avec un guide ? Tandis que les personnes que nous trouvons qui ont été en Espagne nous disent toutes qu'il faut marcher par caravanes, je compte assez sur ta prudence pour croire que tu te seras informé dans les maisons qui s'intéressent à toi des mesures à prendre pour voyager sans crainte, mais un petit mot d'explication là-dessus m'aurait fait plaisir. Je t'entends d'ici dire allons voilà encore la tête de ma pauvre mère qui trotte, mais non, rassure toi, je ne vais que jusqu'aux frontières de l'inquiétude, et suis toujours ramenée à mon point central, la providence et ta prudence ! Je ne sais si tu as fait un journal de ton voyage, ce serait une chose utile et agréable ?


Adieu, mon espagnol, nous t'embrassons comme nous t'aimons.

(maman)


Le mariage avec Mlle Demours convient toujours à ton frère, on va suivre cette affaire.


* ACCABLER

... On dit aussi, Accabler quelqu'un de biens, de grâces, de bienfaits, de présens,

pour, Le combler de biens, de grâces. Il a été trahi par un homme qu'il avoit accablé de biens.

Dictionnaire de l’Académie française, 5ème édition, 1798





 

https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AAsplenium_ceterach_-_Rustyback_fern.jpg